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by quentin
Depuis quelques années, le Grand-Duché de Luxembourg ambitionne de remettre la culture du chanvre au gout du jour. Une production qui pourrait peut-être permettre de remplacer le soja importé et nourrir le bétail local.
Le chanvre est une plante bien particulière, dont l’histoire remonte à plus de 10.000 ans. Souvent perçue négativement, elle est pourtant l’une des premières plantes à avoir été domestiquées par l’Homme. Que ce soit pour ses fibres solides, ses graines nourrissantes, ou ses propriétés médicinales. Probablement originaire d’Asie, le chanvre était régulièrement utilisé pour fabriquer des voiles de bateau, des vêtements, des cordages ou même du papier pour transmettre les savoirs à l’époque.
Dans les années 30, une chasse aux sorcières orchestrée par les lobbies du coton, de la chimie et par les États aura eu raison du chanvre. La plante décline rapidement au cours de la première moitié du XXe siècle, passant de 176.000 hectares en 1840 à seulement 3.400 en 1940. C’est seulement à la fin des années 90 que cette plante a retrouvé grâce aux yeux des industriels. On observe ainsi un renouveau du chanvre industriel en France, en Europe et au Canada. Un changement d’opinion qui résulte de l’augmentation du prix du pétrole, des obligations de recyclage des matières et d’une prise de conscience environnementale.
La France est aujourd’hui leader européen avec une production annuelle de 50 000 tonnes (100 000 tonnes dans l’Union européenne), et la plus large variété mondiale de semences industrielles certifiées. Mais cette culture ne représente que 12.500 hectares, soit 0,03 % de la surface agricole utilisée. Preuve s’il en est que la production reste anecdotique. Au Grand-Duché de Luxembourg, l’État redouble d’effort pour remettre cette culture au goût du jour.
Un substitut au pétrole
« C’est une des plus vieilles plantes au monde cultivées par les êtres humains. Nous l’avons tout simplement oublié » indique monsieur Van Vliet, chargé d’études au service de la production végétale du gouvernement luxembourgeois. « Or, le cannabis pourrait représenter une source de nutriment pour le bétail. Pour nourrir les animaux que nous avons au pays, nous devons trouver des sources alimentaires intéressantes. Dans ce cadre, le chanvre industriel peut jouer un rôle. C’est notre motivation principale ».
En effet, une fois l’huile extraite des graines, le produit restant, appelé tourteau, représente un aliment idéal pour le bétail. Une pratique entièrement légal et encadrée, qui pourrait devenir à terme une solution pour les agriculteurs du pays. Mais les bienfaits du chanvre pour l’agriculture ne s’arrêtent pas là. « L’autre atout du chanvre, ce sont ses racines. Elles vont jusqu’à une profondeur d’1,50, voire 2m. C’est excellent pour les sols rendus compactes à cause des machines. Les racines vont restructurer le sol, construisent des galeries pour l’eau de pluie. Cela évite notamment l’érosion des parcelles ».
Étant donné les avantages incontestables de cette plante millénaire, pourquoi a-t-elle disparue de nos contrées ? Essentiellement à cause de la découverte du pétrole et des puissants lobbies du coton, qui vantaient les mérites des habits en coton. « L’homme a tendance à se diriger vers le nouveau. Avec la découverte du pétrole, nous avons commencé à fabriquer des produits qui pouvaient normalement être fabriqués avec du chanvre : le nylon, les joints, les vêtements, etc. » précise encore Gerber Van Vliet. « Aujourd’hui, les ressources de pétrole sont très faibles en Europe. Donc il faudrait quand même se poser la question de savoir si les personnes à l’époque n’avaient pas raison de travailler avec le chanvre ».
L’État vient en aide aux agriculteurs
Conscient des propriétés bénéfiques du chanvre pour les cultures, l’État luxembourgeois vient aujourd’hui en aide aux agriculteurs intéressés. L’objectif est d’informer ceux-ci sur l’existence d’une telle culture en présentant ses tenants et aboutissants, mais aussi en réalisant des tests. Des essais grandeur nature dans les champs qui permettent de vérifier si la culture de cette plante apporte réellement un avantage à l’agriculture. Le gouvernement a donc pour but d’être en première ligne afin d’analyser les éventuels problèmes liés à cette culture. « Ce n’est pas le faite de planter le chanvre ni de l’entretenir le problème, mais la coupe. Sa tige est très résistante et les moissonneuses batteuse pâtisse de la fibre très souple que constitue les tiges. »
A l’heure actuelle, le chanvre représente uniquement 15.000 hectares dans toute l’Europe. « C’est la niche de la niche. Nous ne savons pas encore si la culture de cette plante va se relancer pour de bon. Mais nous souhaitons retrouver le savoir-faire de jadis » conclut Gerber Van Vliet.